La presse congolaise a pris conscience de ses devoirs. A l’obligation d’informer le public, elle a pu adjoindre l’animation du débat démocratique par la diffusion d’une information plurielle, tout en servant de garde-fou face aux dérives des pyromanes de la politique.
Dès 1990, au lendemain de la libération « surveillée » de l’espace politique décidée par le Président Mobutu, la presse a su faire preuve de responsabilité et de courage en utilisant la plume et le micro pour briser les dernières barrières de la servitude. C’est par elle et grâce à elle que les diverses tendances politiques ont obtenu une tribune et retrouvé le droit de s’adresser au peuple.
Au moment où, par deux fois, la guerre a ravagé le pays, entraînant la mort de millions de Congolais, les journalistes ont réussi à éclairer l’avenir en prenant fait et cause pour le dialogue contre l’avis et le radicalisme de la majorité des hommes politiques. L’Histoire a fini par leur donner raison et il reste maintenant aux journalistes à faire preuve d’une implication plus poussée, plus professionnelle en vue de jouer pleinement leur rôle de sentinelle de la démocratie dans un pays en reconstruction.
Un de ces efforts sera la promulgation rapide de la loi d’accès à l’information dont la proposition a déjà été adoptée par le Sénat qui l’a renvoyée à l’Assemblée nationale où elle semble quelque peu piétiner depuis de longs mois. Une promulgation rapide de cette loi confirmera, en partie, la volonté généralement affirmée par les autorités politiques congolaises d’appliquer avec rigueur le principe de la transparence de la gestion de la chose publique, notamment du fait que cette loi met les citoyens au cœur du contrôle de l’action publique. Il faut cependant relever que cette adoption et cette promulgation de la loi d’accès à l’information ne constituent pas des fins en elles-mêmes.
Elles représentent plutôt le début d’une nouvelle phase, complexe, de mise en œuvre de différents engagements nationaux et internationaux pris par le pays en matière des droits de l’homme, en général et en matière du droit d’accès à l’information en particulier.
Le processus de vote, de promulgation et de mise en œuvre de cette loi pourrait, en effet, se trouver bloqué à cause des difficultés majeures suivantes :
En publiant, coup sur coup, le Code de déontologie professionnelle et le Guide pratique du journaliste en période électorale au cours du premier semestre 2005, l’Observatoire des médias congolais (Omec) a voulu mettre entre les mains des professionnels des médias œuvrant en République démocratique du Congo (RDC) une boussole qui leur indique la direction à suivre, celle des règles fondatrices du métier d’informer.
La publication de cet outil pédagogique sur les délits de presse relève du même exercice. Il s’agit d’un manuel contribuant à une meilleure intériorisation des règles d’éthique et de déontologie professionnelle grâce à une connaissance approfondie des dérives qui discréditent la profession.
Ce manuel apporte un éclairage précis et documenté sur le concept de liberté de la presse et sur les instruments tant juridiques, que déontologiques et éthiques qui la sous-tendent. L’analyse des textes de référence tels que la Déclaration universelle des Droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples nous interpelle sur une réalité : le partage universel et individuel de ce qui fonde la liberté d’expression.
L’ouvrage a le mérite de rappeler aux professionnels des médias la présence de « bornes » posées à la fois par la société, par la puissance publique et par les journalistes eux-mêmes en vue d’éviter toute confusion entre liberté de la presse et le libertinage. D’où son insistance sur l’inexistence d’une liberté absolue dans la collecte, le traitement et la diffusion de l’information. Cet ouvrage nous rappelle l’obligation pour tout professionnel des médias de concilier le droit du public d’être informé avec le respect des normes juridiques et professionnelles.
Si l’Omec souscrit complètement à cette position, nous partageons également largement les inquiétudes soulevées au sujet du régime répressif congolais, à travers la Loi 96-002 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse. Il y a manifestement nécessité d’apporter un correctif au principe qui veut que le journaliste soit condamnable d’office, même lorsqu’il apporte la preuve de ses affirmations, dès lors que son écrit, sa parole ou son image porte atteinte à l’honneur ou à la dignité d’un tiers.
Face à l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes, l’auteur conseille l’usage d’un bouclier de principes tels que le respect strict de la vérité, la responsabilité, l’indépendance (morale et financière), le respect de la vie privée des individus, la solidarité professionnelle. Même alors, quand le professionnel des médias aura satisfait aux règles de déontologie et aux prescrits de la loi, il lui restera toujours la latitude de décider de la livraison ou non de son information au public. Cette décision strictement personnelle, à puiser dans le fond de sa conscience, est ce que l’auteur considère comme le fondement de l’éthique.
L’échantillon des cas d’atteinte à la liberté de la presse en RDC présenté dans ce manuel, et surtout ceux relatifs aux dérives professionnelles, montre qu’il y a beaucoup de chemin à faire sur la voie de la régulation et de l’autorégulation, mais aussi dans le chef des décideurs politiques et administratifs.
La publication de ce manuel complète utilement la panoplie d’outils mis à la disposition des professionnels des médias pour les aider à exercer leur métier en toute responsabilité.
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